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Gérer le parasitisme interne des ruminants

Gérer le parasitisme interne des ruminants

Pour favoriser la production, réduire les frais de médicaments et limiter son impact, il est important de connaître les différents parasites et d’apprendre à les gérer de façon raisonnée.
Le parasitisme, notamment interne, est présent dans tous les élevages pâturant. Il est difficile d’estimer les pertes économiques engendrées par une infestation car elles sont liées à la nature du parasite, au niveau d’infestation, au stade physiologique des animaux, au mode de conduite de l’élevage et au niveau de production du troupeau. Cependant, on peut observer dans des troupeaux contaminés un retard de croissance sur les jeunes, une baisse de la production laitière (en quantité et en qualité), une baisse de l’immunité rendant les animaux plus sensibles aux autres pathologies, des problèmes de reproduction, etc.
Pour répondre aux attentes des éleveurs et à celles de la société sur la protection de l’environnement, il est possible de gérer la parasitisme interne en raisonnant les traitements. Il est alors nécessaire de connaître les parasites présents ainsi que les bases du traitement ciblé sélectif.

Faisons un tour d’horizon des problématiques rencontrées et des solutions à envisager.

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Les principaux parasites internes de nos élevages

Gestion du parasitisme au pâturage

A la mise à l’herbe, les animaux sont constamment exposés aux parasites et en particulier aux strongles gastro-intestinaux (SGI). Dès lors que les herbivores pâturent, ils sont infestés par ces vers ronds. Les larves des SGI sont ingérées avec le bol alimentaire et évoluent en parasites adultes dans l’appareil digestif de l’animal. Une fois excrétés dans les fèces de l’animal, les œufs se développent en larves sur les pâtures.

Réduire la pression parasitaire

Chargement et surpâturage : en doublant le nombre d’animaux sur une surface donnée, on multiplie par 4 le niveau d’infestation. Limiter le chargement réduit la pression parasitaire. Ainsi, moins ils sont nombreux sur la pâture et plus ils deviennent sélectifs en contournant les bouses. Il est recommandé de sortir les animaux quand l’herbe atteint au moins 5 à 6 cm pour limiter l’ingestion de larves infestantes puisque 80 % de ces larves sont situées dans les 5 premiers centimètres d’herbe.

Pâturage tournant : En augmentant le nombre de parcelles, le temps de rotation est plus long ce qui diminue les risques parasitaires. Il est recommandé un retour sur les parcelles entre 25 et 30 jours, ces délais sont cohérents avec le cycle du parasite et limitent la recontamination des animaux. Ils sont cependant très dépendants des conditions climatiques.

Pâturage mixte ou alterné : Faire pâturer alternativement des bovins et des animaux d’autres espèces non-sensibles aux mêmes parasites permettrait de réduire la charge parasitaire et indirectement de limiter les phénomènes de résistances. Les SGI présentent une spécificité élevée pour leurs hôtes, peu d’helminthes sont capables d’infester simultanément deux espèces différentes. Durant les 2 premières années de pâturage, les jeunes sont particulièrement sensibles aux SGI il est donc intéressant de privilégier les parcelles qui n’ont pas été utilisées au cours de l’année par des animaux de 2ème saison. Faire pâturer les jeunes derrière des adultes peut également être une stratégie, puisque ces derniers, partiellement immunisés, sont de mauvais recycleurs de larves (excepté en caprins).

Entretien des pâtures : faucher l’herbe entre deux saisons de pâturage permet de réduire la contamination des parcelles par les larves infestantes puisque les larves ne survivent pas à une conservation en foin ou en ensilage. Le repos prolongé des pâtures est également un moyen d’assainir les prairies. Enfin, épandre uniquement du fumier composté limite la contamination des pâtures.

Dépister et traiter aux bons moments

Une prolifération parasitaire rapide

Les strongles ont un cycle court. La charge parasitaire peut donc s’accroître rapidement en saison de pâture, d’autant plus que la durée du cycle diminue avec l’élévation des températures extérieures, passant de 6-8 semaines à 1 mois.

L’infestation est donc importante en fin d’été si les animaux ne changent pas de pâture. De fait, à cette période et sans traitement, un animal peut héberger plus de 150 000 parasites. Or, un bovin perd du poids avec plus de 20 000 parasites et est malade à plus de 40 000.

Influence du parcellaire et du climat

Lorsque les animaux changent de parcelle, ils pâturent sur un lieu faiblement contaminé et le risque de maladie parasitaire est reculé de 3 à 4 semaines. Avec plusieurs changements, le risque peut devenir nul, puisque les animaux quitteront la parcelle avant une multiplication trop intense des parasites. C’est la présence prolongée des animaux sur une pâture qui augmente le risque de maladie.

En estive, la période de pâturage est longue, mais si le chargement est faible, le risque parasitaire est limité. En revanche, un chargement excessif induit du surpâturage et un risque accru d’ingestion de parasites. Le surpâturage existe aussi lors de sécheresse. Cependant, comme la complémentation en fourrage provoque la diminution de la part de l’herbe dans la ration, la pression parasitaire n’est pas très intense. En revanche, plus le printemps est chaud ou précoce, plus le pic des larves infestantes est important et le risque de maladie avancé.

Pourquoi et comment dépister ?

En premier lieu, l’éleveur doit observer les éventuels signes cliniques manifestés par ses animaux : perte d’état corporel, aspect des crottes/bouses inhabituel, jetage nasal, abattement, production laitière et GLQ en baisse, indice FAMACHA (dépistage d’Haemonchus notamment en petits ruminants…). En cas de doute ou si la collecte d’information alerte l’éleveur ou le technicien d’élevage, des analyses peuvent être demandées en amont du traitement.
La coproscopie : analyse au microscope de bouses/crottes qui donne un nombre d’œufs ou de larves excrétés à un moment donné (≠ taux d’infestation de l’animal)
Les prises de sang : évaluer la prévalence du troupeau pour certains parasites comme la grande douve et Ostertagia en bovins par exemple
L’autopsie : évalue le niveau d’infestation réel et permet d’observer les organes concernés (foie, intestin, poumons, rumen/caillette)


Les coproscopies en détail

A quel moment la réaliser ?
En période de pâturage et/ou en fonction de la production et du stade physiologique ou bien pour vérifier efficacité d’un traitement (faire le prélèvement 15 jours après le traitement). L’idéal étant un suivi sur l’année avec 3 coproscopies (mélange de fèces du troupeau) à chaque saison (hors période hivernale).
Quels animaux prélever ?
Cela va dépendre de la problématique :

  • Par lot (jeunes/adultes ou mâles/femelles) ou en grand mélange : pour faire un suivi du parasitisme ou en cas de symptômes évocateurs sur l’ensemble du troupeau/lot (perte de production inexpliquée, mauvaise qualité de la laine…)
  • Individuel : un seul animal, en cas de symptomatologie marquée chez un animal isolé (amaigrissement, diarrhée, abattement, jetage, troubles de la reproduction

Qui et quand traiter ?

On considère que 20 % des animaux hébergent 80 % des populations de parasites, qu’au sein d’un même lot, tous les individus n’ont pas la même sensibilité au parasitisme et qu’il convient de cibler les traitements sur les plus fragiles. Les critères de choix peuvent varier selon les espèces et les catégories d’animaux.
En bovins : Chez les génisses, on vise l’acquisition de l’immunité vis-à-vis des strongles. Elle est possible à condition que le Temps de Contact Effectif avec les parasites soit suffisant. On estime qu’il faut un TCE de 8 mois sur les 2 premières années de pâture pour que l’immunité contre les strongles soit acquise. Chez les vaches adultes, le traitement peut être rare si l’immunité a bien été acquise au cours de leurs 2 premières années de vie. Dans les faits, l’immunité est parfois insuffisante. Il faut donc choisir les adultes à traiter.
Pour les petits ruminants : Chez les jeunes, l’objectif visé est également l’acquisition de l’immunité à la faveur d’une mise en contact douce (peu de parasites présents) et longue (un minimum de 5 mois est nécessaire). Elle est cependant moins bonne qu’en bovin (surtout en caprin). Le traitement devra donc être raisonné en fonction de l’âge (jeunes adultes à privilégier), de la période de mise-bas mais également de l’observation des animaux et s’appuyer sur des analyses. Il ne faut pas non plus oublier de traiter avant la mise à l’herbe les animaux achetés afin d’éviter d’introduire des parasites résistants.

Voie d’administration, délais d’attente et résistances

Les délais d’attente ont été mis en place pour garantir au consommateur l’innocuité des produits consommés. Ils sont définis en fonction du devenir des molécules antiparasitaires dans l’organisme de l’animal et varient selon la molécule utilisée, l’espèce, le produit, mais aussi le mode d’application et évoluent régulièrement.
Les antiparasitaires sont nombreux et leurs délais d’attente variables. Ils vont de 0 jour à plusieurs mois en fonction des molécules choisies. Il est donc essentiel de se référer aux conseils de son vétérinaire pour choisir et utiliser ces traitements.
Les délais d’attente sont réglementés et contrôlés et leur notification dans le carnet sanitaire est essentielle.
La voie d’administration du médicament utilisé, prend également de plus en plus d’importance dans l’utilisation des traitements vis-à-vis des problématiques de résistance des parasites aux antiparasitaires et de pollution de l’environnement.

La lutte et la prévention : attention aux résistances

Le traitement ciblé sélectif

Le moyen de maîtrise du parasitisme est souvent l’utilisation d’anthelminthiques. Cependant, si celle-ci n’est pas raisonnée, elle entraîne le développement de vers résistants. Aujourd’hui, il est donc nécessaire de mieux utiliser ces traitements. On parle du Traitement Ciblé Sélectif (TCS) ou du traitement Raisonné Individualisé (TRI).
Les résistances aux vermifuges sont fréquentes dans toutes les espèces (ovines, caprines ET bovines).
D’où viennent ces résistances : de l’utilisation fréquente de molécules de la même famille exerçant une forte pression de sélection sur les parasites, de sous-dosage, de traitement d’un lot d’animaux complet sans laisser de population de parasites refuge et de la stratégie du « dose and move », selon laquelle les animaux sont traités puis déplacés vers une pâture saine en milieu de saison. De plus, cette résistance est héréditaire (transmise de génération en génération de parasite). Or, la ressource en vermifuge est limitée, les délais de développement de nouvelles molécules sont très longs et la résistance arrive rapidement après la mise sur le marché d’un nouveau médicament. Il est donc nécessaire de limiter l’usage des antiparasitaires pour diminuer la pression de sélection (conservation de populations refuges), répondre aux critères de l’agriculture durable préservant la biodiversité, et ne pas entraver le développement de l’immunité.

La notion de population refuge

Une population refuge est une population de parasites non confrontée à un traitement antiparasitaire. Pour maintenir une population refuge au sein d’un troupeau la règle veut que l’on ne traite qu’une partie seulement des animaux. Les animaux non traités hébergent donc la population refuge. Cette population refuge permet d’éviter l’apparition de résistances en diluant les vers résistants au traitement, sélectionnés chez les animaux traités.

L’immunité des ruminants

Chaque espèce de ruminant a des capacités différentes en termes de résilience et de résistance face aux parasites internes.
Les bovins : Résistance naturelle au strongles digestifs et respiratoires. Moins bonne à la grande douve et au paramphistome (excepté certaines races comme la maraîchine)
Les ovins : les adultes résistent naturellement aux strongles digestifs, pulmonaires et au Tænia mais moins bien que bovins.
Les caprins : mauvaise résistance aux strongles (car ils consomment naturellement moins d’herbe et plus d’éléments feuillus).

A priori certaines races seraient plus à même d’avoir une réponse immunitaire supérieure.
Comment favoriser cette immunité ? En plus d’une gestion du pâturage raisonnée (cf. 3), il est possible de travailler sur l’alimentation. Des rations favorisant l’équilibre et la stabilité ruminale permettent de limiter l’installation de parasites pathogènes. De même, il faut éviter les changements brusque et assurer une bonne couverture des besoins en minéraux, oligo éléments et vitamines.

Quel sont les outils pour limiter les échecs de traitement ?

  • Tester l’efficacité des molécules utilisées mais aussi celles qui ne le sont pas habituellement dans l’élevage et n’utiliser que celles qui sont efficaces
  • Alterner les familles de molécules, dès que c’est possible, pour casser la pression de sélection sur les populations de strongles digestifs
  • Ciblez les périodes à risque à l’aide d’examens cliniques, d’examens coprologiques réguliers
  • Si un traitement s’impose, dois-je traiter tous les animaux du troupeau / du lot ? => traitement ciblé sélectif